Vous avez probablement vu comme moi le reportage de Radio-Canada qui dit que les véhicules électriques ne sont pas si bons pour l’environnement. Le reportage réfère à une étude du CIRAIG concernant la durabilité de vie des différents véhicules. Premièrement le titre est trompeur car on énumère dans l’article les conclusions du tableau plus haut : Le véhicule électrique, un choix logique au Québec! Je suis donc retourné lire l’étude en question pour voir si j’arrivais aux mêmes conclusions que l’auteur de l’article.
« Hydro-Québec a mandaté le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) afin qu’il réalise une analyse de cycle de vie comparative des impacts environnementaux potentiels du véhicule électrique et du véhicule conventionnel dans un contexte d’utilisation québécoise. L’objectif d’Hydro-Québec étant de déterminer dans quelle mesure l’utilisation d’un véhicule électrique alimenté par l’électricité québécoise peut s’avérer avantageuse sur le plan environnemental, comparativement au véhicule conventionnel (c.-à-d. avec un moteur à combustion interne) et ce, sur le cycle de vie des véhicules étudiés.
Le cycle de vie des véhicules inclut les étapes de production des composantes du véhicule et des batteries, de transport du lieu de production jusqu’à l’utilisateur, d’utilisation et de la fin de vie du véhicule. L’unité fonctionnelle sur laquelle l’étude se base est :
« Se déplacer au Québec sur 150 000 km avec un véhicule mis sur le marché en 2013 ». 1
Premièrement il est important de noter que le véhicule avec lequel on se réfère date de 2013. En années technologiques, cela nous ramène à l’époque des dinosaures. Les véhicules électriques ont énormément progressé depuis cette date. La Nissan Leaf, le véhicule qu’on prend comme exemple, avait une autonomie à l’époque d’environ 120km. Le véhicule actuellement disponible pour l’année 2019, à une autonomie de 240km. De plus, les données qu’on avait à l’époque concernant la dégradation des batteries, ainsi que le recyclage des batteries, étaient encore incertaines.
Une étude très complète!
Les cinq volets étudiés sont la santé humaine, la qualité des écosystèmes, les changements climatiques, l’épuisement des ressources fossiles et l’épuisement des ressources minérales.
- Santé humaine : cette catégorie prend en compte les substances ayant des effets toxiques (cancérogènes et non cancérogènes) et respiratoires, des changements climatiques, produisant des radiations ionisantes et qui contribuent à la destruction de la couche d’ozone. Afin d’évaluer le facteur de dommage, la gravité de la maladie potentiellement causée par ces substances est exprimée en DALY – Disabled Ajusted Life Years, unité reflétant le dommage à la santé humaine;
- Qualité des écosystèmes : cette catégorie regroupe les impacts liés à l’écotoxicité aquatique, à l’acidification terrestre, océanique et aquatique, à l’eutrophisation aquatique et marine, aux effets d’émissions de radiations ionisantes sur les milieux aquatiques, aux changements climatiques et à l’occupation des terres. Elle est quantifiée en fraction d’espèces potentiellement disparues, pour une surface donnée et durant une certaine période de temps (PDF*m²*an) ;
- Ressources et services écosystémiques : cette catégorie de dommage n’est pas opérationnelle à ce stade de développement de la méthode.
- Changement climatique (GIEC 2007) : les émissions de gaz à effet de serre anthropiques absorbent les radiations infrarouges émises par la surface terrestre maintenant l’énergie thermique dans la basse atmosphère. L’augmentation des gaz à effet de serre lors du siècle dernier a eu pour effet d’augmenter la température moyenne de l’atmosphère et des océans. Les résultats pour cette catégorie d’impact sont typiquement ceux rapportés dans les diverses études portant sur l’empreinte carbone;
- Épuisement des ressources fossiles : présente la consommation de ressources fossiles empêchant leur utilisation par les générations futures;
- Épuisement des ressources minérales : présente la consommation de minéraux empêchant leur utilisation par les générations futures.
Impacts potentiels en fonction de la distance parcourue par les véhicules durant leur durée de vie
Vous pouvez voir dans le tableau, qui était inclus dans l’étude, que sur les 5 volets, Il n’y en a qu’un où le véhicule électrique est plus dommageable que le véhicule à essence. Même rendu à 300 000 km, il ne parvient pas à éliminer les conséquences de l’épuisement des ressources minérales. Je suis certain que mon écran plat ne réussira pas non plus à fonctionner assez longtemps pour ça! J’ai donc terminé le tableau pour en arriver à la conclusion que le véhicule électrique amènera une incidence zéro s’Il réussit à parcourir 500000km.
Ainsi donc le volet concernant l’épuisement des ressources minérales est la seule problématique. Pourquoi le journaliste s’en préoccupe autant au détriment des quatre autres? Peut-être qu’il annule tous les autres bienfaits des véhicules électriques? Je me suis donc penché sur ce volet pour mieux le comprendre. Dans l’étude, on mentionne que ce sont les ressources minérales pour la fabrication de la batterie sont plus problématiques puisque les composantes mécaniques du véhicule sont exactement les mêmes que pour un véhicule à essence. Vous vous souvenez du kilométrage de 500 000km requis pour annuler les effets négatifs de l’épuisement des ressources minérales? Il est impensable, sauf pour une Tesla modèle S fabriquée à 100% avec de l’aluminium, de faire ce kilométrage mais la batterie, elle, devrait faire un million de km. On y reviendra plus tard!
Des terres pas si rares!
Dans l’article de Radio-Canada, on fait mention de l’épuisement des terres rares. Pourtant, le tableau suivant, qui est inclus dans l’étude, dit totalement le contraire. Regardez la dernière colonne à droite, les seuls éléments ayant une disponibilité problématique sont le Lithium et le Cobalt mais avant que la flotte mondiale soit électrifiée, on aura probablement changé de technologie! Je fixe plus 15 millions de véhicules d’ici 2030.
Comme vous pouvez voir dans le tableau, les terres ne sont pas si rares et ce n’est pas le véhicule électrique qui les utilise le plus. Il y a certainement plus de terres rares dans les aéroports civils et militaires que dans toutes les autos électriques sur la terre. L’étude du CIRAIG fait aussi mention qu’elle n’a pas pris en compte la deuxième vie de la batterie, pourtant un élément important dans un cycle de vie d’une voiture électrique. Les entreprises qui utilisent ces batteries ont déjà prévu pour elles une utilisation ultérieure. On peut prendre par exemple la compagnie Tesla qui utilise les batteries pour en faire des stations d’emmagasinage dans divers pays. Le manufacturier Nissan va dans la même voie et d’autres entreprises ont annoncé qu’elles suivront dans la même veine. Il y a donc la un élément important à considérer.
Reste le cas des terres rares présentes dans les moteurs de certaines voitures électriques, principalement les hybrides qui doivent loger un moteur électrique à côté d’un moteur thermique et où le critère de place est donc plus important. Néodyme, dysprosium, samarium sont les terres rares les plus utilisées pour fabriquer les aimants permanents qui équipent les moteurs synchrones sans balais. Selon François Boucher, ingénieur électrique, « Ils pourraient très bien s’en passer ! Il suffit d’attribuer le rôle des aimants à une bobine d’excitation. Des modèles comme par exemple la Renault Zoé (la plus vendue en Europe) ou les Tesla (les plus vendues en Amérique) utilisent cette technologie et leur moteur ne contiennent donc pas de terres rares. L’important est de comprendre que les voitures électriques peuvent très bien se passer de terres rares et que certaines, dont les plus vendues, n’en contiennent quasi pas. A l’exception peut-être des terres rares que l’on pourrait retrouver dans des micromoteurs tels que ceux des lève-vitres, qui ne sont pas spécifiques aux véhicules électriques. »
Il ajoute ceci : « Deuxième vérité à rétablir : les batteries des véhicules électriques actuellement sur le marché ne contiennent pas de terres rares. Par contre, le raffinage du pétrole et les pots catalytiques des voitures thermiques qui, elles, ne peuvent pas se passer de terres rares figurent parmi les plus gros consommateurs. Comme d’ailleurs de nombreux appareils électroménagers, technologiques ou industriels qui, bizarrement, et à l’inverse des véhicules électriques n’ont, eux, jamais été montrés du doigt pour cette «tare ». Vingt-six pour cent (26 %) des terres rares utilisées dans le monde le sont en tant que catalyseurs dans l’industrie du pétrole et dans les pots catalytiques des voitures à moteur thermique. Les terres rares, dues à leurs propriétés électroniques, magnétiques, catalytiques, optiques, luminescentes et mécaniques en font les vitamines de l’industrie technologique et sont utilisées dans un très grand nombre d’applications industrielles. » Les premiers véhicules hybrides, notamment la Toyota Prius, étaient équipés de batteries NiMH (Nickel Métal Hydrure) dont l’électrode négative (anode) était constituée d‘un alliage de lanthane-pentanickel (LaNi5). Ces batteries des véhicules hybrides de la première génération contenaient une dizaine de kilos de lanthane, qui est bel et bien une terre rare. Mais aujourd’hui cette technologie a été remplacée par la famille des batteries lithium-ion (Li-ion) aux performances bien plus élevées. Elles contiennent du lithium, du cobalt et du nickel, mais comme indiqué plus haut, ces métaux ne sont pas des terres rares et ne posent pas les mêmes problèmes.
Les batteries Lithium-ion utilisent principalement de l’aluminium, du manganèse, du cuivre et du cobalt. Par rapport à la Provence du Cobalt, qui est le Congo, plusieurs entreprises ont décidé d’aller chercher la matière première à d’autres endroits puisqu’on connaît maintenant les conditions humaines liées à la manufacturation.
En conclusion, même si le volet de l’épuisement des ressources minérales est plus problématique que les autres, il reste que cela pourra être amélioré avec le temps et la technologie innovante. À choisir, je crois qu’il vaut mieux privilégier un mode de transport qui a moins d’incidence sur la santé, les écosystèmes et les changements climatiques mais rappelez-vous qu’une batterie pourra parcourir un million de km. Le dernier volet ne serait donc pas problématique si l’étude avait pris en compte la deuxième vie de la batterie. Une autre étude nous démontre la durée de vie probable des différents métaux.
Du bon jus de dinosaures!
Attardons-nous maintenant à la provenance énergétique des deux véhicules. Comme vous pouvez le voir dans le tableau plus haut, le pétrole qui alimente les stations-service est un pétrole dit non conventionnel, un pétrole qu’on est allé chercher par des moyens très polluants. Les sables bitumineux polluent 5 litres d’eau pour chaque litre d’essence produit et cette eau est pratiquement impossible à recycler. On apprend qu’une seule partie est retournée dans le système. Cela sans compter la possibilité des fuites d’oléoduc. De l’autre côté le pétrole des États-Unis et un pétrole conduit de schiste (shale) qu’on parvient à extraire en envoyant des quantités massives d’eau à l’intérieur des terres pour en faire ressortir le pétrole. Encore là, la pollution de la nappe phréatique peut être catastrophique. Il n’y a plus qu’une infime partie du pétrole utilisé au Québec qui est un pétrole conventionnel.
Qu’en est-il maintenant de l’électricité produite au Québec? Nous sommes les champions au niveau de l’écologie pour la production d’électricité. Quatre-vingt-quinze pour cent de notre énergie électrique est produite par les barrages. De plus, nous sommes aussi ceux qui la paient la moins chère. Si l’on en croit le tableau de la balance économique, nous gagnerions à moins utiliser le pétrole provenant de partout sauf ici pour augmenter l’utilisation de l’hydro-électricité. Un autre élément important est la consommation moyenne des véhicules à essence. Le parc automobile a une moyenne d’âge de 7 ans et la quantité de camions légers sur nos routes, qui comprend les VUS et les camions pleine grandeur, a dépassé la catégorie automobile. On peut donc croire que cette consommation est très élevée.
Avant le recyclage
Les batteries de véhicules électriques ne sont pas recyclées. Non, elles sont réutilisées avant! Les propriétaires de véhicules électriques savent que leurs batteries n’auront pas une autonomie comparable tout au long de l’utilisation du véhicule. Il est de norme acceptable une autonomie de 70% comparée à une batterie neuve. Une fois cette valeur acquise, le propriétaire pourra revendre son véhicule à une entreprise distribuant des stations d’entreposage local d’énergies. C’est ici que la batterie continuera de faire du kilométrage….virtuel bien sûr! Pendant combien de temps? On sait que ce qui dégrade le plus une batterie est de faire des cycles complets de recharge. Nous savons maintenant aussi, grâce aux travaux de Jeff Dahn pHd, que maintenir une charge à la valeur maximale ou minimale d’une batterie la dégrade prématurément. Ainsi donc, un système de maintien de charge le plus près possible de 50% pourra contribuer à la vie durable de cette batterie. Il est donc probable que ces batteries soient utilisées pendant de nombreuses années! Qu’est-ce qu’il advient d’un véhicule à essence après les 300 000km? Il passe directement à l’étape finale!
Fin de vie!
En fin de vie, les deux véhicules sont comparables. La plupart des pièces des deux véhicules sont recyclables. Les batteries des véhicules électriques étant recyclables à 95%. Les autres pièces étant pratiquement les mêmes. Dans l’étude du CIRAIG, on mentionne plusieurs études mondiales qui donnent le véhicule électrique favorable pour certains volets ou n’ayant pas de favori net. Ces études ont un problème concernant la durée de vie : quelques-unes ont évalué un cycle de vie de 150 000km alors que d’autres l’ont fait jusqu’à 230 000km. Elles ont aussi été faites dans des endroits où la production d’électricité était beaucoup plus polluante qu’au Québec mais les deux études qui ont considéré les changements climatiques comme catégorie d’impact privilégiée donnent le véhicule électrique comme favori.
Le véhicule à essence….si écologique!
Depuis la parution de cet article, je vois plein de gens qui le partagent et j’imagine qu’ils sourient à pleines dents. Cela me rappelle deux choses : ma mère qui me disait qu’il fallait bien mourir de quelque chose avec une cigarette au bec et un épisode de Mad Men où tout le monde se met à rire lorsqu’un homme refuse une cigarette en ajoutant qu’il veut protéger sa santé. J’assiste aux mêmes comportements. Le tableau suivant explique les émissions de CO2 pour chaque baril de pétrole.
Dans l’étude du CIRAIG, la conclusion est la suivante : « Véhicule conventionnel : globalement, on retient que…
- L’étape d’utilisation, et particulièrement les émissions du véhicule durant celle-ci, sont le principal contributeur au profil environnemental pour les catégories Santé humaines, Qualité des écosystèmes, Changement climatique et Épuisement des ressources fossiles ;
- Les émissions de CO2 lors de l’étape d’utilisation sont le principal contributeur aux catégories de dommages Santé humaine et Qualité des écosystèmes : l’influence de la catégorie d’impact Changement climatique sur les catégories de dommages Santé humaine (modélisée p. ex. par le biais d’inondations et la prolifération des maladies) et Qualité des écosystèmes (via p.ex. la désertification) est donc plus importante que celle de la catégorie d’impact toxicité (Santé humaine) ou la catégorie écotoxicité (Qualité des écosystèmes) associée à l’inhalation des émissions du véhicule ;
- L’étape de production du véhicule s’avère également un contributeur important pour toutes les catégories d’impacts environnementaux, particulièrement pour la catégorie Épuisement des ressources minérales;
Conclusion
À la fin de l’étude, il y a une annexe qui est le rapport des réviseurs. Dans toutes études sérieuses, cette partie est essentielle afin de s’assurer de la véracité des éléments. On propose quelques corrections afin que l’étude ne paraisse pas favorable au client, qui est Hydro-Québec, puisque cette étude est publique. Si j’avais à faire la même chose avec l’article de Radio-Canada, j’aurais ces questions à l’auteur :
-Pourquoi avoir mis autant d’emphase sur un seul volet, qui est négatif par rapport aux véhicules électriques, et peu sur les quatre autres qui est pourtant très avantageux?
– Ces quatre volets parlent d’une incidence directe sur la santé humaine, la santé des écosystèmes, les changements climatiques et l’épuisement des énergies fossiles. Au moment même où plusieurs études démontrent l’urgence d’agir dans ces quatre éléments, pourquoi ne pas avoir mis l’emphase sur le côté positif plutôt que négatif?
-Parlant de côté négatif, qui a décidé du titre?
STOP THE PRESS!!!!
Radio-Canada vient d’en remettre une couche concernant une étude européenne très défavorable aux véhicules électriques. L’article débute ainsi : « Un rapport de l’Union européenne, publié jeudi, conclut que le cycle de vie des véhicules électriques a un impact non négligeable sur l’environnement, parfois même pire que les véhicules à essence dans les pays qui produisent leur électricité grâce à l’énergie fossile. »
Pourtant, sur le site même de l’agence environnementale européenne, le titre est celui-ci : « Un rapport de l’AEE confirme: les voitures électriques sont meilleures pour le climat et la qualité de l’air ». L’article débute par : « Selon un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publié aujourd’hui, les voitures électriques à batterie émettent moins de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques tout au long de leur cycle de vie que les voitures à essence et diesel. La promotion des énergies renouvelables et de l’économie circulaire – y compris l’utilisation partagée de véhicules et la conception de produits propices à la réutilisation et au recyclage – permettra de maximiser les avantages du passage aux véhicules électriques. »
Que doit-on comprendre?
https://mern.gouv.qc.ca/energie/statistiques/statistiques-import-export-petrole.jsp